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Ce qui distingue le futur bâtiment de deux étages en cours de construction sur le campus de l’université Omar-Bongo de Libreville, la plus grande du Gabon, ce n’est pas seulement qu’une fois fini, sa modernité tranchera avec le reste des installations vieillottes datant des années 1970. Sa particularité tient en quatre lettres rouges : CTRI.
Le sigle du Comité pour la transition et la restauration des institutions figure en gros, tout en haut du panneau décrivant les travaux, comme le nom d’un acteur éclate en tête d’affiche. Il rappelle à tous les Gabonais que le pouvoir a brusquement changé de main le 30 août 2023. Ce jour-là, il y a un an, les militaires chassaient Ali Bongo Ondimba, mettant un terme à une dynastie familiale républicaine longue de cinquante-six ans ouverte par le patriarche de la nation, Omar Bongo Ondimba.
Le CTRI est l’appellation policée de la junte de galonnés dirigée par l’ancien patron de la garde républicaine, le général Brice Clotaire Oligui Nguema. « Un Etat dans l’Etat placé au-dessus du gouvernement », selon un ancien ministre. Le CTRI fait dorénavant la pluie et le beau temps sur ce petit pays d’Afrique centrale (2,2 millions d’habitants, dont la moitié a moins de 20 ans) assis sur des réserves pétrolières largement suffisantes, théoriquement, pour faire le bonheur de ses habitants. N’eussent été la mauvaise gouvernance et l’appétit goulu des dirigeants et de leur entourage qui, pendant des décennies, ont ardemment pioché dans les caisses de l’Etat.
Le Gabon traîne ainsi à la 123e place sur les 193 pays classés par les Nations unies en fonction de leur niveau de développement humain. Et plus d’un tiers des Gabonais vivent en dessous du seuil national de pauvreté, fixé à 5,50 dollars par jour.
Sur le campus de l’université Omar-Bongo, ces problèmes de développement se traduisent par un sous-équipement chronique. Quelque 30 000 étudiants en sciences humaines se partagent ainsi des installations dimensionnées pour 10 000. « Pour chaque cours, nous faisons quatre groupes à des heures différentes parce que les salles sont trop petites », explique l’historien Stéphane Mehyong, vice-président du Syndicat national des enseignants-chercheurs (SNEC) : « Cela faisait des années qu’il n’y avait plus aucun investissement. Ce nouveau bâtiment [pouvant accueillir 800 étudiants] est donc une bonne nouvelle. »
Sa construction est financée par une partie d’une enveloppe de 14 milliards de francs CFA (21,3 millions d’euros) consacrée aux universités que le CTRI a sortie de son chapeau. « C’est le fait du prince », poursuit Stéphane Mehyong, reprenant une critique qui court les rues de Libreville : « Ces milliards alloués par le président ne sont pas inscrits dans la loi de programmation de l’enseignement supérieur et on ne sait pas à quoi ce bâtiment, qui ne sera pas prêt pour la prochaine rentrée, est destiné. » Une allusion à l’annonce surprise par le CTRI de la création d’une faculté des sciences à l’université Omar-Bongo. « Avec quels professeurs ? Quel budget ? Dans quels bâtiments ? », demande Stéphane Mehyong.
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